Tabou : Suicide
A Kaysersberg, en Alsace, le Chef Américain Anthony Bourdain s’est pendu dans sa chambre d’hôtel.
Tabou : Suicide

A Kaysersberg, en Alsace, le Chef Américain Anthony Bourdain s’est pendu dans sa chambre d’hôtel.

Selon l’OMS, dans le monde, une personne se suicide toutes les quarante secondes et la France n’est pas épargnée par ce phénomène.

En effet, la santé mentale des Français est entachée de près de 10 000 suicides (évalués) annuels, soit un par heure, l’équivalent d’un décès sur cinquante, trois fois plus que les accidents routiers.

 

Non négligeable, n’est-ce pas ?

 

Mais observons plus clairement la problématique : le suicide n’est que l’ombre d’un sentiment : l’envie de mourir. Cette dernière peut se transcrire par un acte visible, une TS, ou des idées impalpables. L’Observatoire National des Suicides, créé en 2013, dénombre en 2015, 78 128 patients hospitalisés après une tentative de suicide. Mais il est impossible de quantifier et le nombre, 200 000, 400 000 ??, et l’intensité de ces vagues à l’âme.

 

Tiré de « L’Alsace » du 07 04 18 :

« Un homme d'une quarantaine d'années s'est jeté dans le vide depuis la cathédrale ce samedi matin, vers 4h30, place de la cathédrale à Strasbourg… »

 

Derrière ce fait- divers, un homme, quelles étaient ses raisons ?

Plusieurs motivations animent les raisons d’un suicide. Les études parviennent à en discerner certaines.

  • Notons que c’est la deuxième cause de mortalité chez les 15 / 24 ans. Le taux de décès par suicide des préadolescents n’a cessé́ d’augmenter depuis les années 1960, et les très jeunes enfants ne sont pas épargnés. A l’autre bout de la vie, le taux est considérable chez les 45 / 54 ans, puis chez les 74 ans et plus. Parmi eux, des malades qui n’ont pas d’autres choix pour terminer leur tourment.

  • Le sceptre du suicide apparaît également dans le monde du travail. Dans l’industrie, et les services, dixit l’étude de Dejours et Bègue, le phénomène est récent.

Ainsi, désormais, on le repère dans des sphères hétéroclites : « hôpitaux, établissements scolaires, BTP, industries électroniques, services bancaires, nouvelles technologies, services commerciaux d’entreprises multinationales. »

 

Ce qui frappe les chercheurs est cette constatation : ces suicides concernent les problèmes au travail, alors qu’en principe et « logiquement » on s’attendrait à ce qu’ils touchent les situations de chômage.

 

Certaines professions sont particulièrement touchées. C’est le cas des paysans, en premier et massivement, puis s’ensuivent d’autres corps de métier, comme les policiers ou les gardiens de prison (Le sursuicide se retrouve chez les détenus, parallèlement).

 

Longtemps « recouverte par un silence gêné », la problématique du suicide au travail a investi le public quand les médias ont commencé à rapporter les vagues de suicides chez Renault, Peugeot et EDF, en 2007.

Mais d’une manière générale, la médiatisation des suicides permet de lever le voile sur un acte intime que l’on a tendance à masquer, déguiser, ou nier.
  • En 2015, pour alerter la population, l’association Inter-LGBT a organisé la campagne « les gouines se suicident beaucoup ».
  • En 2016, Frédéric Castagnede, au travers de son documentaire « Morts à crédit », relève que, quotidiennement, en France, trois personnes se suicident parce qu’elles ne peuvent plus rembourser leur crédit.

Depuis quelques années, nous constatons des attentats-suicides, parfois nommés kamikazes en référence à l’histoire japonaise.

 

Relevons également : le taux de suicide est plus important chez les hommes, en revanche les TS et les pensées suicidaires sont plus fréquentes chez les femmes.

 

Le 8 octobre 2009 un article de «The Economist », titre : « Bonjour tristesse. Why Are the French so prone to suicide ? ». Le rédacteur s’étonne de ce taux élevé à l’échelle européenne, chez ces Français pourtant si fiers de leur « joie de vivre ». L’image d’Epinal représentant un french lover, gastronome et bon vivant a de quoi être écornée, d’autant que la France est aussi réputée pour être la première consommatrice européenne d’antidépresseurs.

Parler franchement du suicide permet d’affaiblir le tabou sur un sujet qui on le sait, rend mal à l’aise.

L’idéal serait que les personnes puissent partager l’énorme souffrance qui hante leurs entrailles, sans honte, ni peur d’être traité de comédien, de faible, ou d’alcoolique, ni risquer l’enfermement psychiatrique ou médicamenteux.

 

Les pressions présentes dans nos sociétés sont multiples : intolérance à la différence, chômage, travail, règne de l’apparence et de la comparaison, surendettement, complexité administrative, besoins technologiques, inégalités sociales, incertitude, solitude…

 

Et, finalement, chacun d’entre nous peut connaître à un moment de son existence, cette singulière, et solitaire sensation de stagner au fond d’un tunnel obscur.

 

Mais, si la solution au problème était aussi stupide que méchante ? Comme, être gentil, ou allumer des petites lueurs dans le cœur des autres. Et qui sait ? ainsi, aussi moelleuse qu’une bouée de sauvetage, une chaine de réconfort se formerait, pour nous revenir en pleine face, tel un boomerang…

 

Qu’en pensez-vous ?

 

Katia

 

Sources :

 

-http://drees.solidaritessante.gouv.fr/IMG/pdf/recueil_numerique_suicide_tome_2_mise_a_jour_du_20_decembre_2017-2.pdf (mine d’or bibliographique)

-http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/ons3.pdf (3e rapport de l’ONS)

-Duthé, Géraldine, Angélique Hazard, et Annie Kensey. « Suicide des personnes écrouées en France : évolution et facteurs de risque », -Population, vol. vol. 69, no. 4, 2014, pp. 519-549.

-Florence Bègue, Christophe Dejours, « Suicide et travail : que faire ? », -Presses Universitaires de France, « Souffrance et théorie ».

-Claude Bersay, « La mort sanctifiée », Études sur la mort 2006/2 (n° 130), p. 47-53.

-http://www.leparisien.fr/faits-divers/suicides-chez-les-policiers-2017-s-annonce-comme-une-annee-noire-15-11-2017-7393257.php

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