Bullshit job
Votre emploi est-il utile ?
Bullshit job

Votre emploi est-il utile ?

Voilà encore un anglicisme qui nous percute de plein fouet : les bullshit jobs = les emplois à la con.
Nota bene : à ne pas confondre avec les boulots « de merde ». Les jobs à la con sont des emplois qui ont la caractéristique principale d’être inutiles.

Voilà encore un anglicisme qui nous percute de plein fouet : les bullshit jobs = les emplois à la con.
Nota bene : à ne pas confondre avec les boulots « de merde ». Les jobs à la con sont des emplois qui ont la caractéristique principale d’être inutiles.


C’est en 2013 que l’expression émerge du chapeau de David  Graeber. Dans le magazine Strike l’homme expose ce qui n’était alors qu’une intuition. Son article cartonne, se dissémine de « facebookers » en « twitters », et les témoignages ou les cris de détresse affluent. L’anthropologue creuse la question, et publie ses résultats en 2018 : un nouvel objet d’étude est né !

Exercer un bullshit job, quelles conséquences ?

Sanitaires : « Une des choses qui m’a le plus impressionnée » écrit Graeber, c’est de voir à quel point les gens sont malheureux, alors qu’ils gagnent de l’argent, et que tout devrait rouler.


A l’instar des burn- out et des bore- out, les bullshit jobs génèrent anxiété, dépression, maladies psychosomatiques. Mais en plus, soupçonne le chercheur, ils rendent les gens violents en attisant leur frustration.


Pécuniaires : ces symptômes s’avèrent forts coûteux pour la société : frais de santé, absences…. Mais ils disparaissent lorsque les gens reprennent un travail « tangible ».

Concrètement

Pour que chacun se fasse une idée de la nature d’un tel boulot,  Graeber aime prendre cet exemple : dans les années 1970 deux grèves éclatent à New York : celle des éboueurs, et celles des banquiers. En dix jours la ville exauce les demandes des éboueurs. Pourquoi ? Parce que les gens ont vite été débordés par leurs ordures. En revanche, en réaction à la grève des banquiers, les New-yorkais se sont débrouillés, en réutilisant les chéquiers par exemple.

 

Moralité : fondamentalement une société peut se passer de banquiers, mais non d’éboueurs.
L’anthropologue enfonce le clou en remarquant que si infirmières, dockers ou mécaniciens (etc.) venaient à disparaître, ou même les musiciens, les conséquences seraient instantanées et catastrophiques. En revanche, il lui paraît douteux que le monde souffre de la disparition des lobbyistes, assistants en relation presse, télémarketeurs, avocats d’affaires, consultants légaux, etc. La société s’en porterait même mieux, allègue-t-il.

 

Car au contraire de ce que l’on pourrait penser, les bullshit jobs sont souvent mieux payés que les emplois productifs. D’ailleurs, « plus un travail est utile à la société, moins il est payé ».

 

Encore un exemple ? Kurt travaille pour un sous-traitant d’un sous-traitant de l’armée allemande. Son travail consiste, notamment, à déplacer des ordinateurs de l’armée. Un soldat pourrait l’exécuter  en cinq minutes, mais la procédure doit passer par Kurt. Parfois il se déplace de cent ou cinq cents kilomètres pour déménager un ordinateur sur cinq mètres. Cela coûte aux contribuables plusieurs centaines d’euros à chaque fois.

 

Voici l’essence même du travail à la con : un boulot si vide de sens, que même la personne qui l’exécute s’en aperçoit.

C’est ainsi que sur le terrain des ingénieurs créent du verre pour se briser, des pneus pour s’user, ou des bas nylons pour filer…

Combien ?

Selon deux études produites en Angleterre et aux Pays-Bas 30 ou 40% des travailleurs trouveraient leur travail inutile, voire nuisible, à la société.

Pourquoi ?

Il semblerait qu’une grande majorité d’hommes et de femmes aient besoin de se sentir « utiles ». Et s’ils ne trouvent aucun sens à leur travail, ils dépérissent.

 

En un siècle le secteur des services a explosé. Aux USA et en Angleterre, ils sont passés d’un, à trois quarts des employés totaux. Les propositions se font aussi nombreuses et capricieuses. Parmi elles, les bullshit jobs pullulent : laveur de chien, expert en moules-frites, gardien de locaux vides, rédacteur de rapports « jamais lus », remplisseur de formulaires... Car la bureaucratie participe au mouvement. Ecrasante, elle se substitue souvent au « vrai » travail. Par exemple, les infirmiers ou les éducateurs doivent remplir des tonnes de paperasses, au lieu d’exercer leur profession.

 

« C’est comme si quelqu’un inventait tout un tas d’emplois inutiles pour continuer à nous faire travailler » écrit Graeber qui fait le parallèle entre notre société de marché, et l’ancienne URSS qui regorgeait d’emplois inutiles.
Mais pourquoi accepte-t-on ces jobs qui nous rendent moroses ? Certes, nous avons tous besoin de manger,  mais …

 

Mais, poursuit l’universitaire, nos sociétés portent une vision théologique du travail. Dans nos sociétés chrétiennes, le temps libre est toujours suspecté. Si nous ne travaillons pas dur, cela signifie que nous sommes des bons à rien, des nuls, voire des fardeaux pour la société. Alors …

Mais y a-t-il suffisamment de jobs utiles pour chacun dans notre société ?

Oui, assure l’auteur. Si nous réduisons le temps de travail à quinze heures par semaine, comme le préconisait l’économiste Keynes (et d’autres) : il y en aurait pour tout le monde.

 

Et vous ? Réfléchissez-vous au sens de votre travail ? Racontez- nous !

 

Katia,

 

Sources :
http://www.lagrottedubarbu.com/2013/08/20/emplois-foirreux-bullshit-jobs-par-david-graeber/
http://www.strikemag.org/bullshit-jobs/
https://www.franceculture.fr/societe/lhorreur-des-jobs-a-la-con-par-david-graeber
https://www.marianne.net/societe/bullshit-jobs-le-cancer-du-monde-global
https://www.youtube.com/watch?v=R07TlNqz9X4  (video de David Graeber)

 

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