En 68, la majorité s’atteignait à 21 ans, les jeunes n’avaient aucun droit à la parole, et si leurs aînés les jugeaient irrespectueux, communément, fessée et fouet sévissaient.
Figé par les lustres, une espèce d’ordre était établi. La société bénissait certaines valeurs, comme la famille ou le travail, et l’on considérait normal de trimer, et d’amasser, pour transmettre.
Le monde était extrêmement hiérarchisé, chacun avait son supérieur : père, maître, chef, mari, propriétaire….. Et sa place se définissait en fonction de son métier, la ségrégation sociale régnait : torchons et serviettes séparés !
Mais, une partie de cette même société contesta cette « normalité ». Nourrie d’idées anarchistes, communistes, de musique hippie... Ils débattaient sens de la vie, travail, enseignement, droits des minorités, place des femmes, sexualités, consommation, écologie politique, liberté…
Les conditions de travail s’étaient transformées dans les années 1950. Avec l’introduction du taylorisme, chaque geste fut chronométré, le travail rationalisé, et divisé en tâches répétitives.
De plus, en dépit de la bonne santé économique, les ouvriers peinaient à finir leur mois. Les campagnards entassés dans les périphéries se sentaient prisonniers de l’usine, les mineurs menacés, et les restructurations (alias licenciements) frappaient la sidérurgie Lorraine.
La révolte débute le 22 mars à Nanterre, à ce moment, personne n’imagine le bouleversement à venir.
De fil en aiguille, l’affaire s’envenime, Nanterre est fermée, la Sorbonne occupée, puis évacuée, les étudiants affrontent la police… Le 10 mai, soixante barricades sont montées dans le quartier Latin, bilan : 460 arrestations, 367 blessés, des voitures brûlées, des rues dévastées.
L’opinion publique, en émoi, soutient désormais les étudiants. Le 13, tout l’enseignement est en grève.
Du côté des usines, Sud-Aviation lance la première grève. Son P.D.G., Maurice Papon, ne cède rien, les salariés non plus, l’usine sera occupée, et son directeur local pris en otage.
Ensuite, comme une traînée de poudre, les usines s’imitent, Renault, Citroën, Michelin…, puis les fonctionnaires, SNCF, PTT, ORTF….
Massivement, les cols blancs et les cols bleus se rencontrent (enfin), libérant leur parole, ils dénoncent leur quotidien, et expriment d’autres possibles.
Les ouvriers accusèrent les nuisances de leur travail : saleté, bruit, 3 X 8, insomnies, pénibilité, maladies dues au travail à la chaine, fatigue…
Pour la première fois depuis longtemps « on » réclamait du bien-être, des responsabilités, de l’équité : autogestion, droit de contrôle, protection syndicale au sein de l’entreprise ; « on » contestait la hiérarchie des salaires, des rapports de domination, l’autorité patronale.
Le pays est frappé de pénuries d’essence ou d’argent liquide, les transports publics sont inutilisables……Pompidou parle de guerre civile, l’opinion publique s’effraye...
Finalement, les accords de Grenelle sont signés, tout rentre en ordre.
Exemples : les rapports élèves/ prof ; enfants/ parents ; employés /chefs ; hommes/femmes se sont transformés, les vieux ont rajeuni, les jeunes vieilli, l’individu a détrôné le collectif, les femmes avortent légalement, on les rencontre communément au boulot, à la fac, au lycée, la sexualité est moins taboue, le niveau éducationnel plus élevé, l’espérance de vie augmentée (10 ans), grâce, notamment au temps de travail abaissé, et aux congés payés allongés, le slogan « libre » se décline à toutes les sauces ...
Dans les entreprises, l’autonomie s’est insérée, comme la responsabilisation des travailleurs, les turn-over, la présence syndicale. La hiérarchie est moins pesante et le bien-être, parfois cultivé. Mais les contraintes sont plus fortes, les employés doivent, travailler plus rapidement, accepter la pression, assumer deux postes… Des fois, différents services d’une entreprise entrent en concurrence, des systèmes de notations ponctuent les carrières, la flexibilité est contrainte. La rationalisation du travail sévit encore, les tâches répétitives n’ont pas disparu, l’écart des richesses s’est accentuée, et notre tolérance face aux « moyens de luttes sociales » s’est réduite.
La valeur- travail reste forte.
Et l’une des premières questions, lorsqu’on rencontre un inconnu, reste : « qu’est- ce que tu fais dans la vie », sous-entendant quel taf ? Le chômeur de longue durée, ou le bénéficiaire du RSA sont fréquemment perçus fainéants ou profiteurs.
Pourtant, le monde du travail « amélioré » reste éloigné du monde des Barbapapa, en 2014 on dénombre 400 suicides (avérés, hors TS) à cause du travail.
Qu’en pensez-vous ?
Katia
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