D’où vient Noël ?
Noël : histoire d’un détournement « manqué »
D’où vient Noël ?

Noël : histoire d’un détournement « manqué »

21 Déc. 2018

Durant des millénaires, des rites solaires scandèrent le mois de décembre.  On y célébrait le solstice d’hiver qui sonnait la période du rallongement des jours, et l’annonce du printemps.

Aujourd’hui l’événement cosmique passe inaperçu, mais lorsque l’électricité n’existait pas, telle une renaissance il faisait l’objet de réjouissances.   Saturnales romaines et autres espèces « d’hommages au soleil », se retrouvaient localement, partout en Europe, et ailleurs.

Et puis, l’Eglise détrôna le culte du Soleil. Pour affirmer son ascendance, elle « détourna » les anniversaires solaires. A la place, elle planta le décor de la Nativité du Christ, l’un des moments cruciaux de son épopée liturgique. Personne ne connaissait la date de la naissance de Jésus.

 

Certains supputaient qu’il était né en hiver, d’autres en doutaient sérieusement. Mais l’important était de christianiser cette période de festivités. Au départ mobile, Noël fut fixé au 25 décembre au milieu du IVe siècle.

 

CONCRETEMENT

La  Nativité, s’insérait dans le cycle des « Douze jours » qui s’étalait  de Noël aux Rois, ou de la Sainte-Catherine (25 novembre) à la Chandeleur (2 février ) . Et personne ne confondait Noël avec un quelconque rite de changement d’année, car pour beaucoup de Français, ce moment se situait encore à Pâques.

 

Depuis la Toussaint, les villageois savouraient la période de la fin des grosses besognes.  Le village adoptait un rythme ralenti. Le froid avait envahi l’horizon, et la neige s’amoncelait souvent sur les toits.  Le temps de l’entre-soi était arrivé.  Les réjouissances foisonnaient : cérémonies religieuses, repas familiaux, jeux, farces. Les fêtes licencieuses, ou « burlesques »  marquaient la période. Fêtes des Fous, des Anes, des Sots, des Innocents, toutes présentaient de fortes analogies avec les Saturnales. Extrêmement populaires à la fin du Moyen Age, elles représentaient le « monde à l’envers », un espace « hors des normes habituelles ». Et, relevons qu’il n’était pas rare que les femmes se fassent poursuivre par des jeunes hommes aux gestes et aux paroles obscènes.  D’autant que persistaient certains rites censés assurer fécondité et mariage propice pour l’année à venir.

 

Même les agissements de certains prêtres, et autres gens d’Eglise,  s’inscrivaient dans cette lignée.  Complétement unbelievable today ! Dans les églises entre Noël et l’Epiphanie, il était fréquent de  distinguer des curés barbouillés ou  déguisés, parfois en femmes ;  ou alors dansant et chantant des paroles obscènes. Devant leur hiérarchie  ils ripaillaient de saucisses sur l’autel même, ou y jouaient aux dés. Ils pouvaient aussi mimer des satires de l’Eglise et de la Cour du Royaume. La population locale élisait le Pape des Fous, le Prince de Peu d’Argent, un Abbé de la Malgouverné... On le revêtait de ses vêtements et de ses attributs, et la foule l’accompagnait à l’église pour y célébrer une messe parodique.

 

Pour la fête de l’Ane, célébrée le jour de Noël, on plaçait une jolie fille portant un enfant dans ses bras sur un âne revêtu d’une chape. Un cortège l’accompagnait à l’église. Une messe commençait mais le chant psalmodiait des ânes, et les prières se terminaient toutes par des « hi-han », jusqu’à ce qu’à la fin de l’office le prêtre répète trois fois « hi-han ».

 

La Contre- Réforme, ou Réforme catholique, donna un « coup de vis » à ces us et coutumes qui mélangeaient sacré et profane, sérieux et rire. Et la lutte contre ce syncrétisme s’amplifia. Le clergé reçut la tâche d’éradiquer tous les signes « injurieux ».

La fête des Innocents du 28 décembre fut peu à peu interdite tant par le clergé que par la royauté, la fête de l’âne du 25 aussi. 

 

Mais face aux résistances populaires le clergé dut mettre de l’eau dans son vin, et s’accommoder de quelques anciennes habitudes païennes. L’Eglise mit donc du temps à discipliner ses ouailles.

Finalement sa bataille contre les réminiscences profanes s’enlisa à l’arrivée d’un nouveau personnage. Celui qui fit son arrivée triomphale sur la scène mondiale, et sans lequel une fête de Noël ne serait plus « crédible ». Oui ! Le Père Noël !  Avec sa hotte, son costume rouge, sa barbe et son traîneau, issu d’une géniale campagne publicitaire. Désormais à Noël, c’est lui en premier, et la crèche, éventuellement au second, mais souvent au panier !

 

Et puis rien n’interdit d’imaginer que dans un futur, plus ou moins proche, les populations de plus en plus attirées par « Mère nature » ( #sauver la planète), de moins en moins religieuses mais de plus en plus spirituelles, n’en reviennent à célébrer maître Soleil. Car, comme disent les bouddhistes : la roue tourne !

 

SOURCES

Culture populaire et culture des élites dans la France Moderne, R. Muchembled, Champs Flammarion.

Dictionnaire de la France Médiévale, Jean Favier

Biographies du Père Noël, Catherine Lepagnol, Hachette.

 

Katia

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