Depuis des millénaires, les philosophes glosent sur le bonheur, et des tonnes de concepts et méthodes ont été élaborées, preuve qu’il n’existe aucune recette imparable.
En proposant cette thématique, j’ignorais que je m’apprêtais à plancher sur un article des plus casse-gueule, car le mot, en fait, transcrit un idéal plus qu’une réalité.
Pourquoi ?
En premier parce que c’est un sentiment mouvant, et à moins que vous ne soyez bouddhistes, et que vous n’ayez atteint la sérénité suprême, le bonheur, dans votre vie, sera toujours un sentiment inconstant, et fugitif.
Ensuite parce que nous sommes sensibles à « l’imaginaire du bonheur ». Ce dernier est subjectif, et dépend des normes d’une société donnée et de la pression sociale. Par exemple, si les magazines ou votre star préférée, déclarent que l’île aux perroquets est un paradis, votre bonheur sera d’y passer vos vacances. En revanche, s’ils déclaraient que l’île aux dindons, le lieu où vous villégiaturez habituellement, est minable, par ricochet c’est vous qui vous sentirez minable d’y séjourner. C’est à ce point que nous sommes influençables !
Aussi parce que le bonheur s’avère être un sentiment aux remarquables capacités d’adaptation. Ce qui vous rend heureux un jour, pourrait vous rendre malheureux un autre jour, et vice- versa. Exemple : si vous êtes malade, vous serez heureux d’atteindre un état moyen, celui qui vous aurez rendu malheureux lorsque vous étiez en parfaite santé.
Grâce aux sociologues Baudelot et Gollac, nous savons que ce phénomène se retrouve dans le domaine du travail :
De manière « logique » la satisfaction au boulot augmente en parallèle à la hiérarchie sociale. Forcément, quand notre turbin est dévalorisé socialement, que l’on exécute des gestes de robot pour un salaire de misère, on a peu de chances de se sentir satisfait et donc heureux !
Mais la réalité est plus subtile que ce constat, et à poste égal, le sentiment de bonheur changera selon… la personne, selon qu’elle soit homme ou femme, fils d’ouvrier ou fils de cadre. Par exemple, une femme, fille d’ouvriers, qui occupe un poste peu favorisé socialement se satisfera plus de sa position qu’un homme, enfant de cadre.
Et « étonnamment », les personnes témoignant que le travail participe au bonheur, sont celles qui en sont dépourvues , ou qui triment dans des conditions pénibles ; alors que celles qui ont un job valorisé et assuré, déclarent que le travail n’occupe qu’une place secondaire dans leur rapport au bonheur.
De nombreux scientifiques soutiennent que notre bonheur réside en nous : dans notre flore intestinale, nos gènes, ou la chimie de notre cerveau. D’où l’engouement pour les anxiolytiques, les antidépresseurs, et autres pilules du bonheur.
D’autres affirment que des éléments extérieurs pèsent sur lui.
Le sociologue Richard Sennett écrit que notre culture « caractérisée par une grande insécurité d’emploi, par la fragmentation des parcours, et par une éthique du « chacun pour soi », ancre dans l’esprit des gens le sentiment d’inutilité, pouvant les rendre malheureux.
L’économiste Wilkinson, lui, constata que dans les sociétés inégalitaires (comme les Etats-Unis) les « perdants » souffraient plus fréquemment de maladies chroniques, que leur durée de vie était moindre, et que la mortalité infantile les frappait plus. »
Son collègue Marmot a repéré « que le fait d’accomplir un travail stressant et peu respecté, ajouté au sentiment d’être incapable de contrôler sa vie, tue – littéralement. »
Tous s’accordent sur une chose : le bonheur ne se niche pas dans le consumérisme. Mais ça, vous l’avez remarqué : à chaque objet convoité succède un énième objet à posséder (absolutely) , et en bout de la course effrénée (5, 10, 30 ans) , la satisfaction s’avère maigre en comparaison à la frustration, et à la gabegie.
Pour terminer, je vous livre la réponse à cette question qui nous taraude : L’argent fait-il le bonheur ??? Oui, non ?
Ben, oui puis non….
Selon l’historienne Ilana Löwy, les gens les plus riches sont les plus heureux. Mais dépassé un certain niveau de revenu, estimé à quelques 15000 euros ( c'est le bon nombre ? ça me paraît peu ) par an et par personne, l’argent n’apporte qu’un « supplément modeste de bonheur ».
L’économiste Richard Layard, lui-même, à l’approche de la soixantaine, finit par s’apercevoir que l’augmentation du PIB ou de la croissance économique n’engendrait aucun surplus de bonheur. ( Il travaillait avec Tony Blair, qui ne l’a pas vraiment écouté sur ce point, pour améliorer le sort de ses concitoyens ! )
Bon, mais vous voulez des « p’tites recettes » tout de même, n’est-ce pas ? : Comment me rendre heureux, ici et maintenant…
Allez-y, choisissez, tout ceci vous permettra de côtoyer le bonheur : danser, chanter, profiter du présent moment et ne pas toujours se projeter en avant ou en arrière, se satisfaire de ce que l’on a, aimer gratuitement, méditer, faire du bénévolat, ou sa p’tite B.A, arrêter de courir derrière des chimères, éteindre les idées négatives et imaginatives qui bouffent la tête, prendre son temps, exercer nos « dons », admirer un coucher de soleil, se promener dans la nature, boire une p’tite mousse entre amis à l’académie de la bière……
Ps : Rappelons que c’est seulement une fois que nos besoins vitaux sont assouvis, que se forme dans notre esprit une place vacante pour le bonheur.
Sources :
« Sociologie du travail », L'Année sociologique, 2003/2 (Vol. 53), p. 537-555. DOI : 10.3917/anso.032.0537.
« Travailler pour être heureux ? Le bonheur et le travail en France », Christian Baudelot et Michel Gollac, Fayard, 2003.
« La nouvelle économie du bonheur », par Ilana Löwy
Katia
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