« C’est une année décisive pour toi », « la clé de la réussite », « une année difficile mais tu verras, c’est pour la bonne cause », « t’en as du courage ! », et autres réactions variées que j’obtiens dès que les gens apprennent que je prépare un « grand concours national », tu sais le genre de concours qui existe depuis (trop) longtemps et qui semble parfois n’être plus vraiment en adéquation avec notre temps : l’agrégation, née en 1766, à l’université de Paris. L’agrégation, c’est quoi ? Suffit de penser à Marie Curie, Jean Jaurès, Jean-Paul Sartre, ou encore Alain Juppé : tous ont obtenu l’agrégation, ce concours censé former l’élite des professeurs. Du moins, c’est l’idée qui s’est peu à peu cristallisée dans l’imaginaire collectif. Mais moi, j’aimerais vous parler d’une autre agrégation, telle qu’elle est vécue par une jeune femme de 24 ans, au XXIe siècle, loin des clichés.
En réalité, l’agrégation s’est plus ou moins imposée à moi. Après avoir décroché un Master en littérature anglaise, mon choix carrière s’avéra quelque peu limité, m’orientant ainsi vers les métiers de l’enseignement. Il fallait ensuite choisir : CAPES ou agrégation ? Je décide, au mois de septembre, et dans un élan d’optimisme, de m’inscrire aux deux concours. Je m’étais déjà préparée mentalement à cette année de préparation aux concours que tout le monde m’avait décrite comme « intense », « studieuse », voire parfois « horrible ». On est fin novembre aujourd’hui, et je commence à me dire que c’est le genre d’année qu’on ne peut pas vraiment expliquer, ou décrire. Il faut la vivre.
L’agrégation, ce n’est pas seulement une année chargée, avec une masse de travail conséquente. Ce n’est pas seulement passer de longues heures à la bibliothèque, réviser ses cours quotidiennement, faire des fiches mécaniquement. L’agrégation c’est savoir se rendre disponible. Accepter de mettre pas mal de choses de côté le temps d’une année—sans pour autant aller se terrer dans une cave hein. Mais c’est changer de rythme de vie : voir moins souvent ses amis, sa famille, faire moins de sorties. Ca peut sembler terrible dit comme ça, mais c’est simplement une question de rythme. Je ne dis pas qu’on ne peut plus voir personne, ni se détendre ou faire des choses qui nous plaisent, je dis juste qu’il faut apprendre à ‘doser’, en gardant à l’esprit que la priorité c’est le concours. Je pense que c’est ce qu’il y a de plus dur à faire : se dire qu’on ‘vit’ presque pour un concours, sans aucune garantie de réussite derrière.
Mais il faut tenir, et pour ça, le meilleur moyen c’est de s’entourer de personnes qui sont ‘dans le même bateau’, parce qu’elles sont les mieux placées pour comprendre. La seule raison pour laquelle j’arrive à dire « je vis très bien mon année d’agreg’ », c’est grâce aux personnes avec qui j’étudie et avec qui je passe le plus clair de mon temps cette année. C’est un peu comme ma deuxième famille en fait, et dans cette famille on sait se serrer les coudes ! Et puis quand même, il faut bien avouer que ça nous arrive toujours d’aller prendre un verre, d’aller au cinéma, ou de se prendre des journées complètes de détente, parce que sans ça on ne tiendrait pas. En fait, préparer l’agrégation, c’est aussi ça : apprendre à s’écouter et à lever le pied au bon moment.
Je pense que lorsqu’on arrive à réunir tous ces ingrédients, on vit son agrégation différemment, loin du cliché de ‘l’année-torture’. Au contraire, pour moi c’est une année incroyablement stimulante, qui me permet de m’épanouir jour après jour, et pas uniquement au niveau intellectuel. J’ai appris à me découvrir, à comprendre comment mon corps et mon esprit fonctionnent, à me fixer des challenges pour ensuite les relever, tout en acceptant parfois de décrocher : l’agrégation c’est apprendre à se faire confiance et se dire qu’on en est capable.
Ines
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