So boring !
S’ennuyer à mourir au travail, ça existe ! Le bore-out
So boring !

S’ennuyer à mourir au travail, ça existe ! Le bore-out

24 Oct. 2018

Un, deux, trois, quatre, cinquante, dix mille, trois millions. C’est l’histoire de gens qui s’ennuient à mourir. Où ça ? Au lit ? En vacances ? En famille ? Du tout.
Au travail. Là, ils consument leurs journées à compter chaque seconde qui les sépare de la débauche.  

A l’ombre de leur esprit maussade, planqués dans les toilettes, ou dans un escalier de secours, toujours à l’abri des regards, car à qui avouer que l’on se fait chier à crever au boulot ?  Gémir de son ennui, d’être payé à ne rien faire, à une époque où le chômage plane sur la population ? Ne serait-ce pas indécent, politiquement incorrect ?


C’est pour cela qu’ils se traînent comme le temps, en silence. La honte les tenaille. Par conséquent, il est impossible de les dénombrer avec exactitude.  Le chiffre diffère en fonction des chercheurs.  15%, 30% de la population active ? Tous atteints de bore-out, d’ennui profond au boulot.


Et pourtant le phénomène n’est pas récent, mais il se serait amplifié avec le développement du secteur tertiaire et des emplois de bureaux, selon Philippe Zawieja, chercheur spécialisé sur la santé au travail à Mines Paris Tech. 


Pourquoi ? Les raisons sont multiples, et concernent quatre situations principales :

  • Le cadre du privé ou le haut fonctionnaire qui se retrouve sans affectation.
  • Les emplois « creux », issus de la parcellisation de la besogne, inintéressants au possible. Ils ne requièrent aucune prise de décision,  aucune capacité intellectuelle, et  n’engendrent aucun développement personnel. Là l’employé n’apprendra rien, ses tâches seront répétitives comme celles d’un robot, et son travail sera limité par des procédures tellement bureaucratiques qu’il préférera ne pas agir plutôt que de glisser dans le kafkaïen. De plus, il n’aura aucune perspective de promotion. L’absence de sens global finira par le plomber.
  • La placardisation. Ici le travailleur est mis à l’écart de toute participation constructive à l’entreprise.  Tel un lépreux, il est mis à l’index. On ne lui donne presque plus de travail, et ses collègues par peur des représailles, finissent par l’éviter. 
  • Le poste fantôme caractérisé, aussi, par une absence quasi totale de travail. Là il n’y a rien à faire, le poste étant vidé de toute substance. 
     

Alors, que fait-on ?   On se tourne les pouces de gauche à droite, puis de droite à gauche.  Mais on n’en profite pas comme on pourrait le faire d’une journée libre, exceptionnelle, glissée entre des jours remplis. Sans mission, l’Homme vacille rapidement. 
Sans même être atteint de burn- out, mais d’un simple surmenage, peut-être que vous, vous enviez l’ennui au travail. Et ceux qui ont le temps d’aller fumer vingt-cinq clopes par jour, et de s’envoyer quinze cafés,  douze soupes  lyophilisées,   dix-sept barres chocolatées,  treize paquets de « tagadoches ». 

 

Vous, vous aimeriez avoir le temps de vous ennuyer. Oui, imaginez :  un jour, deux, trois, vingt mais plus ? Sept heures par jour, deux cents jours par an. Ça vous dit encore ? Comment vous expliquer ? Au début, l’ennui paraît léger, tel un nuage dans le ciel, passager. Puis, en trépignant, on se met à explorer notre imagination.  La tristesse envahit notre horizon, la lassitude lui succède, puis le dégoût. L’ennui forcé porte à l’anxiété, au sentiment de dévalorisation, aux maladies psychosomatiques et peut pousser à la dépression.  


Frédéric Desnard est le premier, en France, à avoir accusé son ancienne entreprise de l’avoir laissé croupir dans l’ennui. Suite à la perte d’un gros contrat, son poste s’est retrouvé vidé de toutes missions, et lui, homme à tout faire, fort éloigné de ses fonctions et  qualifications. À la fin il arrivait à obtenir vingt ou quarante minutes de travail quotidien. Sa santé mentale est méchamment attaquée jusqu’au jour où une soudaine crise d’épilepsie le saisit en voiture. S’ensuivent l’accident, le coma, la rééduc, et la décision de traîner Interparfums au tribunal. Mais comme le bore- out ne figure pas sur la liste des maladies professionnelles, le conseil des prud’hommes a requalifié l’affaire et condamné la société pour « harcèlement moral ». 

 

Le bore- out n’est donc pas reconnu officiellement. De plus, certains chercheurs parlent d’imposture scientifique. Ils ne contestent pas la réalité de l’ennui occasionné par certains travaux, mais ils démontent les statistiques de Christian Bourion, auteur du principal ouvrage français sur le sujet. A ses fameux 30%, eux, opposent un chiffre de 2% de salariés atteints de bore-out. Sacrée différence, n’est-ce pas ?


Alors le bore-out, réalité ou fiction ? 


A vous de répondre chers lecteurs salariés. Qu’en pensez-vous ? 

 

 

Katia

 

 

Sources :
https://www.challenges.fr/challenges-soir/bore-out-l-ennui-au-travail-un-nouveau-fleau-apres-le-burn-out_26576
https://www.lemonde.fr/emploi/article/2016/05/03/frederic-desnard-veut-se-faire-le-porte-voix-du-bore-out_4913054_1698637.html
https://www.lemonde.fr/emploi/article/2016/05/04/bore-out-voyage-au-bout-de-l-ennui_4913776_1698637.html
https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/carriere/vie-professionnelle/sante-au-travail/video-vous-vous-ennuyez-au-travail-vous-pourriez-etre-atteint-de-bore-out_2753625.html
http://www.e-rh.org/index.php/blogs/les-articles-du-blog/246-bore-out
« L'ennui », Études, vol. tome 410, no. 2, 2009, pp. 231-241.

 

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